Je suis libéral (mais je me soigne)

La vérité vous éclate parfois au visage.

Le fait est là. Je suis un libéral, un puriste même ! 
On pourrait même dire un libéral historique.
Un de ceux qui admirent la simplicité et l'élégance de la vision des Lumières...

... J'aurais d'ailleurs pu appeler cet article "Je suis un libéral historique". 
Mais, avouez - entre nous - vous auriez moins facilement cliqué pour venir le lire, non ?

Le libéralisme expliqué à l'Homme moderne

Le libéral considère que nous sommes tous libres de faire ce que bon nous semble tant que nous n'entravons pas la liberté des autres.
Libres de penser, de choisir, d'entreprendre, de croire, de nous tromper, d'être des gros cons et même d'être de droite, c'est vous dire !
La contrepartie de cette liberté est simplement de savoir la limiter lorsqu'elle risque d'entraver la liberté d'un autre acteur de notre société.
Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'il te fasse.

Le libéral va même plus loin, il considère que l'Etat ne doit servir qu'à garantir que nous - petits acteurs sociaux jouant avec notre liberté - n'entravons pas la liberté des autres petits acteurs. Quelques lois, les moyens de les faire appliquer, et roulez jeunesse !, nous sommes tous libres, avec un seul et même devoir, laisser tous les autres être aussi libres que nous.

Pourquoi ? Simplement parce qu'en tant qu'espèce, notre intelligence sociale sera toujours plus performante si nous agissons tous librement que si un péquin qui se croit plus malin que les autres (ou même une commission) décide à la place du groupe. Selon la fameuse théorie du banc de sardines que je vous délivre ci-dessous.

"[...] Lorsqu’un banc de sardines s’éparpille à l’approche d’un danger, vu de l’extérieur, on observe des motifs presque géométriques.
En quelques secondes chaque sardine s’éloigne le plus possible des sardines nageant à proximité d’elle pour se regrouper ensuite. A quelques mètres de distance, cela donne un motif organisé et changeant à grande vitesse.
Il s’agit d’un ordre spontané parce qu’aucune sardine n’a conscience ni n’agit avec pour objectif de former ce motif organisé.
Il s’agit d’un ordre spontané parce qu'aucune commission du plan Sardine, ni aucun dictateur Sardine Maximo n’a pensé ce motif vu de haut et l’a imposé.
Si la commission du plan Sardine avait du dicter en temps réel, à chaque milliseconde, la direction de chaque sardine du banc, cela aurait demandé un travail et une collection d’informations considérable pour obtenir  un motif moins adapté et surtout plus lent. Et davantage de sardines y auraient laissé leur vie.
Dans cette situation en tout cas, en laissant à chaque sardine des ‘droits’ égaux pour toutes (droit de nager à la vitesse qu’elles souhaitent, droit de s’éloigner ou de se rapprocher des autres sardines etc..) et en laissant faire chaque sardine en fonction de son environnement, on n’a pas obtenu le chaos (comme dans une bonne poelé de sardines fries avec un peu d’ail et une noisette de beurre) ou une société atomisée (des sardines nageant seules et isolées dans l’océan), mais un banc de sardine auto-organisé."


Le libéralisme est une manière d'appréhender la construction sociale qui s'oppose traditionnellement à deux autres formes de conception sociale.

Le conservatisme : L'ordre "naturel", traditionnel, doit permettre d'organiser la société.
  • "C'était mieux avant !"
  • "Si le silex marche si bien, je vois pas pourquoi on devrait s'emmerder avec le bronze !"
  • "De mon temps, les jeunes ils bossaient au lieu de se la couler douce !"
Le socialisme : L'exercice de la raison doit permettre d'organiser la société.
  • "La commission s'est réunie et voilà un document de 1 300 pages, Monsieur l'Agriculteur, sur la manière dont vous devez dorénavant cultiver votre champ."
  • "Et si on faisait une réunion pour décider de l'ordre du jour de la prochaine réunion ?"
  • "Je propose de soumettre la décision d'autoriser Marcel à aller aux toilettes au vote de l'assemblée."
Le libéralisme : La liberté de tous les acteurs sociaux doit permettre d'organiser la société.
  • "T'en occupe pas, le problème se résoudra de lui-même."
  • "Ben non, j'entrave pas sa liberté, au contraire, je le débarrasse de ce qui l'encombre."
  • "Comment ça "s'entendre sur les prix" c'est pas du libéralisme ? On a pourtant juste trouvé que c'était une bonne idée et exercé notre liberté."
NB : Comme quoi on peut faire des mauvaises blagues sur à peu près tout.

Humour déplorable mis à part, ça a l'air beau le libéralisme présenté comme ça, non ?
Mais alors, si c'est si beau, et que tant de monde se réclame du libéralisme, pourquoi notre monde n'est-il pas un paradis dans lequel l'humanité s'ébat comme un banc de sardines ?

Le libéralisme est-il soluble dans l'économie de marché ?

Le libéralisme n'est qu'un des pans de notre société. Traditionnellement on considère qu'une société, une nation, se compose de plusieurs éléments distincts.

Un système de gouvernance, par exemple la démocratie ou la tyrannie, duquel l'Etat tient sa légitimité.
Un système économique, par exemple le capitalisme ou le troc, qui représente la manière dont les acteurs sociaux gèrent le partage des ressources et des charges.
Un système politique, par exemple le conservatisme ou le socialisme, qui sert de maître-étalon aux choix effectués par les décideurs.

Après ce petit rappel simple (et simpliste), mettons-nous d'accord sur le fait que le système économique le plus largement partagé actuellement sur notre petite planète est appelé libéralisme économique.

Si on veut le résumer simplement, disons qu'il devrait s'agir de l'esprit libéral appliqué à l'économie : laissons les êtres humains échanger librement les ressources et les charges, demandons à l'Etat d'intervenir le moins possible et de notre intelligence collective devrait sortir le meilleur système économique possible !

Et là on constate, soit à quel point nous sommes collectivement des demeurés, soit que quelque chose a merdé en quelque part...

Le libéralisme, une escroquerie ?

Les lecteurs attentifs n'auront pas manqué de noter que j'ai omis un détail important concernant l'esprit du libéralisme.
En effet, celui-ci sous-entend également qu'un droit supplémentaire (en plus de la liberté !) est accordé à l'acteur social, celui de propriété. Pour être libre, on doit être propriétaire de sa propre vie, et par extension pouvoir posséder des biens physiques.
Ce droit à la propriété découlant "naturellement" du droit à la liberté n'est pas assorti d'un devoir venant l'équilibrer.

Moi, qu'on puisse considérer que détenir quelque chose n'entrave pas la liberté des autres de le posséder aussi, ça me dépasse...
Mais il faut se méfier des idées de ce genre, on peut vite finir par en conclure que le libéralisme sans le droit à la propriété s'appelle l'anarchisme.
Et tout ce travail pour constater au final qu'on est anarchiste...

Aparté piscicole
Un détail intéressant avec notre fameux banc de sardines libéral prenant en un éclair les meilleures décisions possibles. Les poissons ont préféré appliquer un système communiste de partage des ressources et des charges de leur petit microcosme. Je laisse le soin à Wikipédia de vous prouver à quel point je ne dis pas (que) des conneries.

Le libéralisme pourrait bien n'être lui-même qu'un simple malentendu, mais le libéralisme économique, lui... c'est carrément l'arnaque du siècle.
Qui peut croire que tous ces prétendus libéraux qui mettent au chômage des milliers de personnes pour faire grimper de quelques pour cent une action se soucient de la liberté de ceux qu'ils laissent sur le carreau ? Et ne parlons pas de leur droit à la propriété.

Est-ce le libéralisme qui est en cause ou ce que l'humanité en a fait ?

Je me soigne

Donc oui, je suis un libéral, je considère qu'on devrait tous être libres de faire ce que bon nous semble, tant que nous ne nuisons pas aux autres êtres humains.

Ce qui ne rime à rien dans notre monde, puisqu'on ne peut rien posséder sans nuire à quelqu'un d'autre. (Ne me dîtes pas que vous n'avez jamais secrètement jalousé ce que quelqu'un possède et vous non...)

C'est bien ça, je suis libéral, mais je me soigne !

[Pour des informations plus sérieuses et objectives sur le libéralisme, n'hésitez pas à aller lire l'article de Wikipédia qui a le mérite d'expliquer à quel point les êtres humains peuvent avoir des conceptions très différentes d'un seul et même terme. Je vous conseille également ce site qui est une source d'informations particulièrement intéressante.]

Au prochain épisode
Nous verrons par la suite, comment on peut aimer les entreprises et vomir les multinationales, considérer le socialisme comme inévitable tout en étant conscient de la vanité d'une telle approche, être un con de patron tout en penchant à gauche et autres paradoxes tous aussi étranges les uns que les autres...


1 commentaire:

  1. Bonjour,

    je suis moi-même du genre libéral et pas que sur les bords...Et je trouve qu'en général, les libéraux sont beaucoup plus ouverts d'esprit que la moyenne sur des sujets importants comme l'économie.

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