La TVA de 5 à 7


Je reprend ici un échange intéressant à propos de l'article "Modifier la TVA ? Excellente idée !" s'étant déroulé sur Facebook.



Mickaëlle
"Oui, mais la TVA se répercute quand-même sur les prix proposés aux consommateurs, et si ce n'est pas le cas, l'entrepreneur y perd un peu, non ? Je me demande quelle mention inutile rayer, car j'en ai interviewé plusieurs qui m'on assuré qu'ils en seraient plombés, c'est pour ça que je pose la question !"


Con de patron
Jouer avec la TVA est souvent à éviter, car c'est le passage d'un système à un autre qui est délicat.

Une entreprise soumise à la TVA ne fait que la collecter pour l'état. C'est donc normalement une opération blanche.

Mais je te donne un exemple de quand (dans la vie d'une entreprise) ça peut se révéler problématique :

Certaines entreprises ne sont pas soumises à la TVA (on parle de franchise de TVA : auto-entrepreneur et régime de la microentreprise). La TVA n'est pas prise en compte pour elles, elles achètent et vendent comme des particuliers.
Passé un certain seuil de CA annuel, elles doivent se mettre au réel (devenir collecteur de TVA pour l'Etat).
Seulement jusqu'à présent, elles n'étaient pas obligées de reverser une partie de leur vente à l'état. Par exemple, avant, sur un produit vendu 100 € au client, la marge brute était de 30 €.
Sur ces 100€ TTC (soit 83,61 € HT pour de la TVA à 19,6%), elle va désormais devoir donner 16,39 € à l’État en remboursement de la TVA. La marge brute dégringole d'un seul coup à 13,61 €, sur lesquels il faut continuer de payer les différentes charges structurelles et fonctionnelles. Catastrophe.

Il y a une contrepartie à collecter la TVA pour l’État. Ce dernier rembourse la TVA que tu débourse pour tes achats. Le problème, c'est que souvent ça ne représente qu'une fraction de celle que tu dois puisque comme tout un chacun, tu marges sur tes ventes.

Tu dois donc plus souvent donner de l'argent à l’État plutôt qu'en attendre de lui.

Franchir ce cap, devenir assujetti à la TVA, va obliger nos petites entreprises à augmenter leurs prix ou à rogner sur leurs bénéfices pour absorber ce que leur "coûte" la TVA.
C'est donc une transition qui doit faire l'objet d'une planification trop souvent négligée.
Mal gérée, la transition peut couler une boîte (augmenter brusquement les prix risque de faire fuir les clients, le bénéfice peut ne pas être en mesure d'absorber le surcoût - plus souvent c'est un mélange des deux qui conduit à la cessation d'activité).
En ajustant son besoin en fonds de roulement de manière adéquate et en prévoyant des investissements sur l'exercice d’assujettissement, la transition peut en revanche se révéler bénéfique pour l'entreprise.

Pour une entreprise ayant toujours appliqué la TVA à ses tarifs, le problème ne se pose pas, sauf en cas de variation à la hausse du taux appliqué à leur vente ou de variation à la baisse du taux appliqué à leurs achats.

Pour nos amis les restaurateurs, le dilemme était encore plus grand. Avant la réforme de Sarko, ils achetaient à 5,5% et revendaient à 19,6%. C'est pas très sympa pour eux, l’État leur demande de reverser 19,6% de leurs ventes et ne rembourse que 5,5% de leurs achats.
Cependant, c'est une activité qui marge beaucoup, ce qui compense largement cet apparent déséquilibre. Et malgré ce "handicap", il y a toujours eu des restaurateurs en France.
Avec la réforme, leur TVA sur les ventes est passée à 5,5%. Du jour au lendemain, au lieu de devoir reverser 19,6% de leurs ventes, on ne leur demander plus que 5,5%. D'un seul coup leurs bénéfices augmentaient et ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient.
Si on reprend l'exemple précédent, du jour au lendemain, leurs bénéfices sur 100€ TTC (et donc 95,24 € HT avec de la TVA à 5,5%) passe de 30 € à 41,63 €, sans qu'ils n'aient rien à faire. En effet, auparavant, sur 100 € TTC, ils reversaient 16,39 € à l’État, et maintenant ils ne reversent plus que 4,76 €.

Je ne connais pas le détail de la réforme, mais je suppose qu'ils vont passer à 7% sur les achats comme les ventes. Toujours avec notre exemple des 100 € TTC et une marge brute initiale de 30 € qu'ils avaient vu monter à 41,63 €, elle va redescendre à 39,85 € (pour maintenir 100 € TTC, le HT va devoir passer de 95,24 € à 93,45 €). N'oublions pas qu'avec la TVA à 19,6%, le HT était à 83,61 €.

Une fois franchis le cap du changement, la profession demeurera gagnante, elle continuera de bien marger et profitera d'une TVA avantageuse sur ses ventes. Leur activité de transformation de matières premières en produits finis justifiait tout à fait le taux réduit pour les achats et le taux plein pour les ventes.

Toujours est-il que la transition en elle-même... ils ne vont disposer que de très peu de temps pour la planifier... et pour les plus petites structures et les affaires venant de se lancer, elle va se résumer au choix cornélien : Augmenter les prix ou rogner sur les bénéfices ?

Ce n'est pas la TVA qui plombe une entreprise, c'est d'y devenir soumis, de voir son taux sur les ventes varier à la hausse ou son taux sur les achats varier à la baisse.

C'est la transition qui fait mal, pas l'état.


Mickaëlle
"Je pense que le plus délicat pour eux sera de tenir la barre financièrement, rapport au contrat d'avenir qu'ils étaient censés respecter en contrepartie de la baisse de la TVA
(création d'emploi, protection salariale des employés, prime à la TVA pour ces derniers et baisse des prix pour les consommateurs, pour ceux qui ont joué le jeu bien-sûr). 
Tout ça reste à payer, mais il faudra également en donner un peu plus à l'Etat ! Du moins, c'est ce qui ressort des mes entrevues d'aujourd'hui !"


Cdp
Plutôt qu'un engagement, il s'agissait plus d'un "vœu pieu" comme on dit. Il n'y avait aucune obligation "légale" et aucune sanction si le "contrat" n'était pas respecter.

La droite se retrouve effectivement à pénaliser le plus ceux qui ont eu le comportement le plus civique...

Ceux qui ont bien anticipé la baisse de la TVA pour enclencher des embauches, des investissements, une baisse des tarifs, etc. vont effectivement être en difficulté.

Maintenant, il faut relativiser, la variation n'est que de 1,5 point (de 5,5% à 7%), elle ne devrait donc pas provoquer un tsunami de dépôt de bilan, mais je maintient que le gouvernement aurait bien mieux fait de leur foutre la paix et de créer une nouvelle tranche de TVA sur le luxe.

Le luxe est un marché aux marges colossales, qui n'a absolument pas souffert de la crise, qui affiche depuis longtemps une croissance annuelle à deux chiffres et qui peut sans aucun problème répercuter une hausse de sa TVA de vente sur ses clients...

Encore une fois, notre gouvernement préfère étouffer les petits plutôt que de demander aux gros de mettre un peu la main à la poche. Que ce soit avec les particuliers ou les entreprises, on ne peut que constater pour qui roule la sarkozye.

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